Je ne serai jamais une maman allaitante.

Cette phrase tourne en boucle dans ma tête ces derniers temps. Un pendant du « je n’aurai plus d’autre enfant » ou « je ne serai plus jamais enceinte », mais bizarrement, c’est ce qui me touche le plus. La faute à un deuxième allaitement stoppé très tôt ? Au RGO de Miniloute ? A la réalité des choses, qui est que non, je ne connaitrai sans doute plus d’autre naissance, d’autre première tétée, ce qui est voulu ?

Au fond, je crois que je sais.

Pendant mes deux grossesses, j’ai été intimement convaincue que j’allaiterai mes bébés. J’en avais envie et je voulais « bien faire » (comme si il n’y avait qu’une seule façon de faire les choses « bien » !). Pour la deuxième, je me suis d’ailleurs mis une pression énorme, il fallait que j’y arrive, il ne fallait pas changer d’avis comme pour la première… Cette première fille qui avait tant souffert d’un RGO interne plutôt sévère, une expérience qui me culpabilisait énormément, même si on m’a dit et redit que l’allaitement n’y aurait sans doute pas fait grand chose. Il y a toujours ces « et si… » qui vous pourrissent la vie.

Liloute a eu des biberons dès son deuxième jour de vie. Plus envie, pas pour moi, l’allaitement s’est arrêté là. Et j’ai bien vécu ma décision, en accord avec moi-même (et monsieur aussi) Je dis souvent que comme pour beaucoup de choses, j’ai besoin d’essayer avant de me prononcer. C’est plus tard que les regrets se sont pointés, en pleine période de reflux douloureux résistant aux traitements, de doutes et de baby blues… Alors, pour un deuxième, c’était décidé : je DEVAIS allaiter. Donner toutes ces chances à ce bébé de souffrir le moins possible. Lui donner le meilleur, un point c’est tout. Et tant pis si ce n’était pas pour moi, se forcer et puis voilà.

Miniloute est arrivée et j’étais plus à l’aise avec l’idée d’allaiter, dès la tétée de bienvenue. Même si elle avait du mal à prendre le sein, s’énervait dessus, régurgitait, me faisait mal (mauvaise position, tétées quasi non stop…), je me surprenais à aimer ces moments où j’étais tout ce qu’il lui fallait, même si les premières secondes me faisaient serrer les dents.

Et le baby blues est arrivé. La deuxième soirée, des larmes intarissables, et ce doute au fond de moi…

« Ce n’est pas pour moi. »

Encore une fois…

J’étais complètement paumée, et ça me faisait pleurer encore plus. Normal, me direz vous, mais perturbant quand on a une pression énorme sur les épaules ! La pire c’est d’ailleurs celle qu’on se met soi même… J’ai voulu attendre une nuit, quitte à donner des bibs et reposer mes seins à vif, pour me décider. J’avais demandé à monsieur d’acheter des « bouts de sein » au cas où. La puéricultrice que j’ai vu cette nuit là a été adorable : j’ai pu pleurer, parler, elle m’a écouté et consolée sans jamais prendre position. M’a déculpabilisé. Cherché avec moi d’où venait cet inconfort avec l’allaitement… Ce pourquoi certains aspects n’étaient « pas pour moi ». Et me dire la phrase qui change beaucoup de choses « Ce n’est pas grave de changer d’avis ! »

Sur les dernières tétées, miss N. a du sentir mon inconfort, mes doutes, mon hésitation. Elles ont été moins tranquilles qu’auparavant, plus nerveuses des deux côtés, moins agréables aussi. Moins naturelles, beaucoup plus forcées. Il fallait que je tienne, mais je ne le voulais plus. Que faire ?

La montée de lait est arrivée au tout début du troisième jour. J’avais pris ma décision : j’arrêtais. Mais pas au meilleur moment : les seins énormes, déformés, douloureux, je ne pouvais même plus porter ma fille. Ajoutons à cela une prise de traitements et des soins un peu tardifs, j’ai bien du souffrir plusieurs jours. Intérieurement et extérieurement, car, dès le deuxième jour de lait artificiel, les régurgitations et pleurs de Miniloute se sont amplifiés. Et j’ai reconnu ces fameux signes que je redoutais tant… Le RGO était bien là. Malgré tout, je ne pouvais plus faire machine arrière: les traitements étaient bien trop dosés et seraient passés dans mon lait, et on suspectait une allergie aux protéines de lait de vache vu les antécédents familiaux.

Avec le recul, je pense que j’aurais pu revenir à l’allaitement. Si j’avais eu l’envie, ce qui n’était pas le cas. Ce qui est fait est fait, et c’est toujours plus facile de parler après coup, comme de l’extérieur : combien de fois j’ai pleuré et regretté de ne pas avoir « tenu bon » devant la souffrance de Miniloute ! J’ai même envisagé une relactation, processus long et fatigant qui demande beaucoup de volonté. Mais la motivation n’était pas bonne, la volonté mal placée. Je ne suis pas sûre que ça aurait réussi, ni même changé quelque chose à l’état de ma fille.

Cette question restera toujours en suspens.

Et puis je retombe sur un cliché de Miss N. au sein, et je deviens bizarrement nostalgique. Et si ?

Et si j’avais continué, et si j’avais tenu de coup ? Et si ce n’avait été qu’un tour des hormones ?

Mais surtout : je ne connaitrai jamais plus ces moments là. Je ne serai jamais une allaitante, je ne vivrai jamais cela. Comment savoir si je n’aurais pas aimé cela, finalement ? Simplement en me remémorant ces instants où j’ai su, clairement, que je ne voulais pas continuer. Où je ne pouvais plus me forcer d’avantage.

Et puis, au final, je ne saurai jamais et c’est comme ça. Il faut accepter, se résigner, faire avec ses regrets. Se dire qu’on est pas plus faible mais justement plus en accord avec soi même… Et qu’il y a bien d’autres moyens d’être proche de son enfant, de s’appliquer à lui donner le meilleur.

5 commentaires

  1. Bonjour , je me reconnais totalement dans ton post , mon petit a 3 semaines et je l’allaite , je tiens bon même si c’est dur et que je dois avouer je « n’aime pas forcément ça  » j’ai introduit des la première semaine un bib puis deux … De lait A et nous en sommes a 3 par jour pour un sevrage en douceur pour lui et pour moi ( plus pour moi car lui dévore les bibs ) . Je trouve que la société et surtout certaines pro allaitement ( même si je le suis également ) sont vraiment trop fermées et nous mettent une pression autour de l’allaitement nous laissant croire que nous ne sommes pas de bonnes mamans sans cela . C’est très dur comme sentiment .

  2. Je pense qu’il ne faut pas regretter,on fait toutes ce qu’on peut et surtout on est pas égales face à l’allaitement.
    Pour certaines, cela se passe très bien, pour d’autres non c’est comme cela.
    Tu as le mérite d’avoir essayé pour chacune de tes filles, il ne faut pas avoir de regrets, le principal étant de se sentir bien et ne pas se forcer à faire une chose que l’on ne souhaite pas ou qui nous donne de l’inconfort.

    Bon j’avoue je te dis cela alors que moi même je peux dire que je suis mitigée. J’ai eu la chance d’avoir un super allaitement au sein pour ma première fille, montée de lait qui s’est bien passée, juste un après midi d’engorgement que j’ai fait passer sous la douche, pas de crevasse, ma puce tétait bien, ne m’a jamais fait mal.
    Mais elle faisait des crises le soir de 18h à 2h du matin, je n’ai jamais su si c’était de l’angoisse ou des coliques, toujours est il qu’elle passait toutes ces heures au sein et j’était épuisée.
    Elle me réveillait toutes les 2h jusqu’à ses 6 mois où j’ai arrêté l’allaitement car je n’en pouvais plus et je reprenais le travail.

    Alors quand j’entendais certaines amies me dire que leur bébé faisait des nuits de 23h à 6h du matin après leur bib, je les enviais ! Même si rien est sûr que c’était dû à l’allaitement au sein.

    Et puis,même si j’aime me dire qu’il n’y a que moi qui puisse nourrir mon bébé et je me délecte de nos échanges de regard au moment où je lui donne le sein. Il faut dire que c’est contraignant de devoir être toujours présente, de ne pas pouvoir s’absenter longtemps et puis les sorties pour moi sont compliquées étant pudique, j’ai eu beaucoup de mal à allaiter en public (les cabines d’essayage et la voiture étaient mes amies).

    Dans quelques jours, je vais être à nouveau maman et je sais que je vais allaiter car tout comme toi, je pense que je donne ainsi le meilleur à ma fille et je culpabiliserais si jamais je ne le faisais pas et je le regretterais certainement aussi mais j’appréhende de devoir revivre tous ces moments de fatigue et de doute que peut engendrer un allaitement au sein.

    1. Chaque enfant est différent et j’ai connu des bébés allaités qui faisaient leurs nuits très tôt 😉 Et des bébés au biberon qui faisaient des nuits pourries ! Jusqu’à 6 mois c’est déjà beau, je m’étais mis plusieurs caps: 3 jours, 3 semaines, 3 mois… et 6 ! Mais c est plutôt le fait de me dire que je ne le ferai plus jamais, faire le deuil en quelque sorte…

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