Mon « enfant roi » va bien, merci. (et moi aussi !)

Serais-je la mère d’un enfant roi ? Retour sur une expression qui m’hérisse le poil et sur l’éducation comme on la voit chez nous (j’insiste, chez nous !) en général.

 

Cela fait un moment que je vous parle de maternage, de « parentalité positive » (je n’aime pas le terme). Un moment que je reçois vos commentaires de soutien mais aussi d’échanges de point de vue. Je vous parle souvent de mes pétages de plomb, de mes faiblesses, de mes envies d’être une meilleure mère, mais aussi de mon besoin de ne pas être qu’une maman.

Je préfère préciser que même si c’est un récent commentaire qui a motivé la publication de cet article, il était dans les tuyaux depuis un moment. J’avais envie de parler de ce sujet un peu (beaucoup) polémique de l’enfant roi (que je hais cette expression), mais aussi des limites de l’éducation bienveillante selon moi. Qui se confondent avec mes limites à moi.

Je reste tout à fait ouverte à la discussion, c’est ce qui fait avancer les choses. Je ne prétends pas avoir la science infuse ni le mode d’emploi du parent parfait (si vous le trouvez, j’achète !). J’ai deux enfants de 5 et 2 ans et je crois que si mon moi de 2010 me voyait, pleine de principes sur l’autorité et la place de l’enfant, elle se marrerait, pleurerait, s’indignerait… Ou peut être qu’elle se dirait qu’en fait, on s’en sort pas si mal.

Déjà, c’est quoi cette expression, « enfant roi » ? Où est ce que ça s’est vu qu’en essayant de se mettre à la place de son enfant, de l’écouter différemment, de l’éduquer légèrement différemment également, de changer ses principes, c’est lui conférer une toute puissance ? Je suis peut-être moins riche de quelques neurones avec ma grossesse et ma condition de femme (oups, elle était facile, pardon), mais j’ai du mal à comprendre. En quoi accorder un peu plus de temps et d’importance aux réactions et émotions de son enfant en fait un enfant roi ? Je veux dire, du moment qu’on a mis un cadre et des limites après avoir relativisé, l’enfant sait où il est. Et ma fille, mes filles même, ne sont en aucun cas sur le trône.

 

 

Simplement, en fournissant à un enfant une bonne base affective (ce qu’on peut faire de PLEIN de façons, surtout celle qui nous convient le mieux), on lui donne confiance en nous mais aussi en lui. Et ça, c’est mal vu. L’enfant devrait-il rester soumis, devrait-il craindre ses parents ? Le respect s’enseigne en respectant, la peur et l’agressivité n’en font pas partie. Et surtout, on apprend à l’enfant l’empathie. Et ça, c’est une des composantes de l’humilité. En gros, ton gamin a confiance en lui, mais il est à l’écoute des autres. Il ne se sent pas supérieur, mais il ne se sent pas « nul » non plus. Et toi qui me lis (oui, je te tutoie), est ce que ce n’est pas ça le plus important ? Que ton enfant soit bien, soit heureux, un être sociable, qui connait les « limites » ? Non parce que je suis peut-être naïve, mais il me semble que c’est ça le but. En faire de futurs adultes moins névrosés que nous. Bien dans leurs baskets et peut être plus compréhensifs que nous.

Et d’un autre côté, quand j’ai découvert l’ENV, je me suis mis une pression de dingue : j’ai basculé dans l’extrême. Tout ce que je faisais n’était pas assez bien, je culpabilisais sur TOUT ce que je faisais, en me demandant quels traumatismes j’allais bien refiler à mes enfants. J’ai mis du temps à me rendre compte que ça me pourrissait la vie. Je voulais bien faire, mais c’était trop. La bienveillance, ok, mais moi dans tout ça ? Après tout je suis humaine, je suis quelqu’un de nerveux et de caractériel, je ne peux pas changer du tout au tout. Mais je peux essayer de travailler là dessus, m’accepter et éduquer nos enfants selon ce qui nous parait le mieux . Sortir la tête des bouquins et faire en fonction de notre famille. 4 êtres humains parfaitement imparfaits qui s’aiment beaucoup. Et qui ne s’en sortent pas trop mal en essayant de mieux se comprendre et de se parler. Parce que clairement, l’ENV comme dans les livres, chez moi ce n’est pas possible…

Alors, je sais qu’il y a des parents laxistes, comme vous dites. Qui ont baissé les bras, à un moment ou un autre. Il y a des parents qui ne savent plus comment faire. D’autres qui se disent que l’école s’en chargera. Peut être y en a t il qui se cachent derrière la « tendance » de l’éducation positive. Et peut être que d’autres n’en ont jamais entendu parler.

C’est quand même pas croyable, le poids sur nos épaules de parents. Comme si devenir soudain responsables de la vie de petits êtres pendant une bonne vingtaine d’années et s’inquiéter pour eux toute notre vie n’était pas suffisant 😉
Mais quoique tu fasses, tu seras toujours mis dans une case. Enfin, deux cases : soit tu maternes trop et tu fabriques des enfants rois qui te mettront des baffes l’adolescence et seront les déchets de la société (ok j’ai énormément exagéré mais vous comprenez l’idée), soit tu n’es pas assez « positif » et tu traumatises tes enfants en étant trop autoritaire et insensible, tu en feras des déliquants mal dans leur peau.
Nous sommes quelques milliards d’individus sur terre, alors je pense que 2 cases ça fait un peu juste.

Aujourd’hui, il y a des données scientifiques, des études, qui nous apprennent un peu plus. On peut choisir d’en tenir compte ou non (après tout, il a bien fallu coucher les enfants sur le ventre, puis le dos…), mais ça reste des faits vérifiés, de la neuro-science, quelque chose de sérieux. Un papa qui fait des câlins et joue avec ses enfants peut éduquer et être respecté (pas forcément craint, mais où est le mal ?) Une maman qui porte en écharpe, allaite ou non, travaille ou non, punit ou non n’est pas non plus qu’une maman. Et promis, le papa a sa place, quand il y a un papa. Si il y en a pas, les choses peuvent très bien se passer aussi, du moins c’est ce que je pense.

La famille a beaucoup changé, et c’est tant mieux. Les enfants aussi ont changé, alors on s’adapte, on fait de son mieux.

Ecouter les besoins de son enfant, ne pas le voir forcément comme un petit être manipulateur qui fait des « caprices » quand on ne le comprend pas, ce n’est pas en faire un enfant roi. C’est le considérer comme ce qu’il est, un petit être humain qui ne fonctionne pas pareil qu’un grand. Promis, moi aussi j’ai envie de claquer la porte des fois, je crie beaucoup trop, je dis non, des choses que je ne pense pas. Je ne considère pas qu’aller m’excuser et leur parler de ce qui s’est passé soit une faiblesse. Je reste leur « guide » et leur papa aussi. Elles ne sont pas les reines ici, je crois qu’en bonne psychorigide j’aurais du mal avec ça.

Parce qu’en faisant ça, en disant pardon, en disant je me suis trompé, en disant ce que je ressens, je pense que je montre un peu l’exemple (pas toujours le bon, mais elles savent faire la part des choses, j’espère). Et du coup elles sont capables de s’excuser sincèrement, de dire « j’ai besoin de » « je suis triste » je suis en colère » « maman, j’ai un problème ». Je ne dis pas que si je ne le faisais pas elles seraient différentes, je n’en sais rien.

Je sais juste que chez moi, pas d’enfant roi.

Et d’ailleurs, je ne suis pas la reine de l’éducation bienveillante non plus. Ça m’a d’ailleurs beaucoup trop mis la pression, culpabilisée, fait douter de moi bien trop souvent. Je dis des gros mots, je crie, je sors sans mes enfants (et heureusement !), je mets des coups dans les portes (aie, mon pied), je râle énormément tous les jours, je n’ai pas confiance en moi… Mais je fais de mon mieux.

Ce qui restera dans quelques années, ce ne sont pas les petites erreurs qu’on a faites, les remises en questions, ces fois où on a pleuré d’avoir crié trop fort, mis une fessée, ces fois où on a peut être trop laissé couler. Non, ce qui restera, c’est l’amour. Allez-y, taxez moi de cucul la praline si vous le voulez, mais ce qui me reste de mon enfance c’est « Mes parents m’aiment. Mes parents étaient là. Mes parents ont fait de leur mieux. »

Et pourtant, ce n’était pas la même époque, ni les mêmes principes d’éducation. Je ne pense pas élever mes enfants selon le même modèle, parce que je ne suis pas mes parents, et que mes enfants ne sont pas moi. Mais que ce qui compte, c’est de s’aimer, de savoir se pardonner, et d’arrêter de culpabiliser (oui bon, de MOINS culpabiliser, ça serait déjà bien).

Je crois que l’idée maîtresse de l’éducation « non violente » (quelqu’un a un terme moins tranché ? je cherche un depuis que j’ai commencé à taper), c’est la bienveillance envers soi-même, en premier lieu. On est humains, on essaie, on rate, on réussit, on apprend. On recommence, on tente autre chose, on change d’avis, on réfléchit. On perd son calme, on pleure, on répare, on repart.

Et on fait de son mieux. Tous. Enfant roi ou pas.

Alors si toi aussi tu aimes ton enfant, rassure toi, rien que ça te rend « bienveillant ». Et ensuite : on ne peut pas les aimer « trop ». Et si tu portes ton bébé en écharpe, promis, il n’y sera plus à ses 18 ans (t’imagines sinon ?) Mes filles ont marché avant un an. Si tu ne le portes pas, et bah il ira bien aussi. Parce que vous faites de votre mieux, tous les jours, certains jours plus que d’autres, et c’est normal.

C’est bien dommage de tirer des conclusions hâtives, d’avoir peur du changement. C’est bien dommage de ne pas distinguer toutes les nuances d’éducation possibles, tous les degrés de gris entre le blanc et le noir. C’est bien dommage de se culpabiliser les uns les autres en écartant de l’équation la donnée principale : nos enfants et nous, en tant qu’individus uniques aux besoins différents.

Vous qui lisez, je me doute que vous n’êtes peut être pas d’accord. Et vous savez quoi ? Vous en avez le droit 😉 

 

7 commentaires

  1. J’adore cet article !!!
    Et il reflète parfaitement le pourquoi du comment je ne parle pour l’instant jamais d’éducation 😉 Pas prête, pas envie de me confronté aux autres sur ce sujet là, peur d’être jugée par des gens qui ont le temps de beaucoup lire…
    Et je vois bien que même si nos quatre Pilous sont élevés dans les mêmes grandes lignes… notre éducation a évolué entre le premier et le dernier. Et surtout j’ai l’impression qu’aucun ne vit mal la chose 😉
    Pour en rajouter une couche, étant moi-même dans l’Education Nationale, la Bienveillance à outrance me donne la nausée… Je me fiche de la théorie **un peu, beaucoup…**, car elle n’est pas là dans ma classe au moment où je dois éviter cette chaise **qui ne m’était pas destinée je précise**, elle n’est pas là lorsque les insultes fusent, elle n’est pas là lorsqu’on est mis au pied du mur face à chaque situation familiale…
    Bref, Continuons à faire de Notre mieux
    C’est à mon avis la meilleure et seule chose à faire 😀
    Bon courage à Nous !

    1. Merci pour ce commentaire qui me fait super plaisir 🙂
      Bon courage oui (et surtout avec les élèves, je suis pleine d’admiration pour les instits, les ATSEM, AVS et les profs !) :p

  2. D’accord avec ton message.

    Le principal c’est de faire de son mieux, de reconnaître quand on a fait une erreur sans se culpabiliser (ce n’est pas très efficace et nous empêche souvent d’avancer et donc de ne pas recommencer).
    Savoir dire pardon est important, mettre un cadre bien défini est rassurant pour l’enfant et permet de ne pas avoir un enfant perdu (l’enfant roi est rarement heureux ; faire des crises toutes les 5 min même si c’est pour obtenir quelque chose n’est pas épanouissant).
    Rester bienveillant avec soi-même (et ce n’est pas forcément faire garder les petits 😉 ) est primordial car sinon comment l’être avec l’autre ?

    Et comme toi, je me rends compte que la surinformation que l’on reçoit même si elle est intéressante (bien que parfois contradictoire) est néfaste au long terme. Restons simples, faisons de notre mieux, respectons l’autre, imaginons des limites intelligentes qui correspondent à notre vision des choses et à NOTRE organisation familiale et ce sera déjà bien ^^

  3. Un bel article avec lequel j’adhère totalement. Maman depuis seulement 4 mois, je passe mon temps à me demander si je ne suis pas « trop » ou « pas assez », trop soucieuse, pas assez zen, trop fatiguée, pas assez patiente, trop réfléchie, pas assez confiante… Bref, à force de lire tout ce qui passe sur l’éducation, on en perd son latin (et sa spontanéité aussi). Comme toi, j’ai du mal à me faire confiance mais je reste persuadée que les parents sont les plus à-même de comprendre et agir convenablement avec leurs enfants (dès lors que leur santé mentale est normale). L’éducation est un des sujets les plus culpabilisants qui soient! En tant qu’enseignante, je prône le respect mutuel, la bienveillance et des limites claires sur la place de chacun. J’espère réussir la même chose avec ma fille. Bon courage à toi!

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