Culpabilité.

Je pose un pied sur le parquet de sa chambre, et entre par la porte entrouverte. Dans la pénombre, la petite veilleuse rondouillarde émet une lumière rosée et rassurante, et l’odeur de bébé est partout dans la pièce. J’entends sa respiration douce et mesurée, et rien d’autre que le silence douillet de l’heure de la sieste.

Je m’approche du lit à barreaux et la découvre endormie, tout contre son tour de lit. Je resterais bien là des heures si je n’avais pas peur de la réveiller, et de devoir tout recommencer…

Elle dort enfin, après une heure de lutte, de guerre des nerfs, de pleurs, d’allers/retours, de tentatives de cododo, de grondements, de mots qui sont allés plus loin que ma pensée. Rien qu’y penser, j’ai mal au cœur, j’espère qu’elle sait que je n’en pensais pas une phrase, pas une syllabe. Elle dort et j’ai peur qu’elle en garde de mauvais souvenirs, des traces de mon énervement, de ma fatigue et de sa frustration.

Je m’assieds au pied du lit, la tête dans les mains. Non, je n’en pensais pas un traître mot. Non, je ne voulais pas crier, ni lui faire peur. C’est tout le contraire de ce que je veux pour elle, d’un univers de douceur et de confiance.

C’est notre premier jour de vacances à toutes les deux. Et il tient plutôt de la bataille rangée entre une maman qui idéalisait son rôle de mère au foyer provisoire et un enfant de 22 mois en pleine crise d’opposition. Un enfant qui me réclame à peine couchée, à laquelle je réponds que je suis fatiguée.

« Tu vas dormir oui ? »

« Tu me saoules, dodo maintenant!  »

« Arrête de jouer avec mes nerfs, s’il te plait. »

Comment puis-je dire ça à mon enfant ?

Elle ne joue aucunement avec mes nerfs, en fait. C’est l’interprétation que je m’en fais. D’accord, elle cherche les limites, elle teste, mais je ne suis pas sure que crier à tout bout de champ réglera quelque chose. Ce n’est pas facile tout le temps, on m’avait prévenue. Je voulais tellement ce bébé, le parcours a été tellement difficile que je n’avais pas pensé à l’après.

J’ai un goût amer dans la bouche. La culpabilité. Ce n’est pas la première fois et je commence à la reconnaître. Elle semble avoir été livrée avec le bébé, amplifiée par la pression que je mets sur mes épaules, jour après jour.

Je lui murmure que je suis désolée. Que je l’aime et que ce n’est pas sa faute si maman est énervée. Elle bouge doucement dans son sommeil, le visage vers moi. Comme si elle savait déjà. 

J’étreins sa petite main, qui serre doucement mes doigts. Elle soupire et un léger sourire se dessine sur son visage de poupon endormi.

« Tu te juges beaucoup trop maman. Moi je t’aime comme tu es. »

Est ce que c’est comme ça que je pourrais l’interpréter ?

8 commentaires

  1. OH ce sentiment je ne le connais que trop bien! A chaque fois je m’en veux,je me jusre de ne plus m’énerver…mais je n’y arrive pas et trop souvent je culpabilise. Dur que le rôle de maman.
    Ton billet est très bien écrit et en effet je pense que tu peux interpréter son apaisement ainsi 🙂

  2. Ne t’en fais pas, nous sommes ce genre de maman aussi plusieurs fois par jour. Bien qûr que nous n’en pensons pas un traître mot de ce que nous disons dans nos moments d’énervement, mais la culpabilité est inévitable et nous ne sommes pas fières de nous dans ces moments-là !! Etre mère est si beau et si terrifiant 😉

  3. Tout pareil ici… surtout quand il est fatigué = énervé = énervant 🙂
    On ne peut pas tjs « se maîtriser » et le ton monte ou les mots dérapent, on regrette, « on a les boules », on « aurait pas dû » mais c’est fait…
    De mon côté, quand cela arrive, je m’excuse tjs après en lui expliquant que « oui je me suis fâchée et j’ai dit des choses pas très gentilles mais parce que si ou ça…… » ; il écoute/il n’écoute pas… au moins, moi, ça me fait du bien 🙂
    Et il n’a que 15 mois… même pas encore la période du fameux two… mais c’est un P’tit Breton avec le caractère qui va avec 🙂

    1. Ici aussi je m’excuse toujours et j’explique… ça atténue un peu la chose. Oh bah le terrible two a commencé avant les 2 ans ici 🙂 Elle a un caractère bien affirmé (on se demande de qui elle le tient, ahem) et sait très bien le montrer !

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