Lettre à Sarah (2022)

A ma grande.

Ça fait un moment que je ne t’ai pas écrit ici.

Déjà presque 12 ans que 2 barres roses sur un test en plastique ont changé nos vies. Si loin et si proche en même temps, comme dans une autre vie…

Tu grandis et je n’ai pas toujours les bons mots ou la bonne façon de t’accompagner, te guider ou juste de ficher la paix. Les choses changent beaucoup, toi, moi, nous… Et ce n’est pas toujours évident pour toi comme pour moi. 

C’est comme un fossé qui se creuse entre nous au fil des mois et des disputes quotidiennes. Tu t’opposes, tu réponds, tu parles un peu trop sèchement et tu avoues même souvent ne pas savoir quand arrêter. Je ne peux que comprendre parce que je fais pareil…

C’est comme si on se cherchait, mais pas forcément de la bonne manière. Et qu’en le faisant, on risquait fort de se perdre. 

J’ai l’impression de ne plus te (re)connaître parfois, et ça me fait très peur. Comprends-moi, pour moi tu es encore mon bébé, la petite fille sage et douce, alors quand je me rends compte que tu grandis et que je te vois en mode « zéro respect et prend ses parents de haut H24 », ça fait un sacré changement. J’ai la sensation de ne pas être à la hauteur ou bien préparée pour que tout se passe bien, sans trop de heurts sur le chemin.

Parfois, quand on n’arrive plus à communiquer calmement, je m’éloigne juste pour ne pas envenimer les choses. Parce que je sais que tu as besoin de moi, pas de la mère qui perd patience. 

Et bien trop souvent, la patience, je n’en ai plus. Je crie, je tempête, je tente de te garder enfant un peu plus longtemps, je dis des choses que je ne pense pas, je deviens celle que je ne suis pas. 

La maman dragon. Celle qui n’écoute plus, qui hurle, qui veut reprendre « le dessus ».

Je SAIS que ma réaction n’est pas la bonne.

Crois-moi, je passe souvent des heures à refaire le scénario pour voir ce que j’aurais pu faire mieux, ou différemment. A m’en rendre malade, à pleurer de culpabilité et de désespoir, à me dire que je suis une mauvaise mère, que je n’y arriverai jamais.

La vérité, c’est que j’apprends en même temps que toi. Je n’ai jamais connu ça et comme toi, j’ai peur et je suis complètement perdue parfois. Ok, souvent.

Je n’ai jamais été la mère d’une adolescente, tu sais. Je découvre tout sur le tas avec toi et je suis profondément désolée si je ne m’y prends pas comme il le faudrait.
Je me souviens encore comment c’était pour moi de traverser cette période là, et au fond, je sais que c’est compliqué pour toi et j’ai peur que tu souffres au milieu de tous ces changements là. 

Je voudrais te protéger de tout mais je ne peux pas. Pas totalement. C’est dur de me faire à l’idée que nos relations changent, se complexifient et passent par des phases de rejet (du moins, c’est comme ça que je le ressens)

Et quand tu me pousses au bord de mes limites (peut-être pour savoir où elles se situent), quand tu me rejettes, ça me fait mal et peur comme jamais je ne l’ai ressenti avant. Je ne veux pas te faire de peine, ni te faire peur ou que tu culpabilises pour tout ça. C’est si dur cette période, ces émotions qui débordent, ce besoin de trouver sa place et qui on est, coincé entre enfance et âge adulte. Cette impression que personne ne comprend, qu’on est en dessous de tout, qu’on ne sait pas où on va, qu’on attend trop de nous et où on ressent TELLEMENT de pression sur ses épaules.

Je suis terrorisée à l’idée de « mal faire » et que tu t’éloignes de moi. Mais peu importe à quel point tu prendras tes distances, sois sûre que je serai toujours là, à t’attendre. Tu n’auras peut-être pas toujours envie de te confier à moi ou de compter sur moi. Mais quand tu le voudras, sois sûre que tu le pourras. Toujours. 

Sarah, je t’aimerai toujours et peu importe ce qui peut se passer : quand tu me trouveras has been, méchante, sévère, ringarde, quand je te foutrais la honte, quand tu m’en voudras et que tu me détesteras, quand tu auras besoin de me parler mais que tu ne sauras pas comment, quand le fossé entre nous te semblera être un ravin. Et quand tu regarderas en arrière en te disant que quand même, on aurait pu faire autrement, que tu as abusé quand même, que finalement, c’est dur d’être adolescent, mais que tu as géré.

Et que c’est dur d’être mère également, mais que ça vaut le coup.

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